Invitée par France 24 à Paris, Ahed Tamimi a parlé, dans un entretien avec Taoufik Mjaied de sa transformation en icone de la lutte populaire palestinienne et du soutien qu’elle a trouvé après sa sortie des prisons israéliennes. Dans cet entretien elle adressera un appel à la jeunesse israélienne afin qu’elle revienne à son humanité et à aspirer à connaître la vérité pour qu’elle ne devienne pas elle-même victime de la colonisation israélienne.
Ahed Tamimi n’est plus une inconnue, son image a traversé tous les pays. Tout a commencé avec une gifle à un soldat israélien. Une habitude qu’elle a prise depuis enfant ne sentant pas la présence des soldats d’Israël sur son sol, celui de la Palestine.
Un vaste mouvement de solidarité l’a accompagnée surtout après son emprisonnement par l’Etat sioniste.
De prisonnière politique à une star internationale, à une invitée de marque à la fête de l’humanité dans la banlieue parisienne, un parcours assez singulier? A cette question Ahed répondra avec la spontanéité de l’adolescente. »Certes, tout cela est beau. Que le monde entier te connaisse parce que tu défends la Palestine pas pour autre chose.
Interrogée si elle s’attendait à un tel mouvement de solidarité, elle répondra que non. « Quand j’étais en prison je n’étais pas au courant de tout cela. Je n’avais aucun moyen de le savoir. Quand j’ai quitté la prison, j’ai été surprise du nombre des personnes qui m’ont soutenue et ont été à mes côtés durant toute la période d’emprisonnement, c’est une lourde responsabilité que tu sois connue et que tu parles au nom d’un pays occupé. C’est une lourde responsabilité surtout je suis sous le coup d’un arrêt d’exécution de peine qui m’interdit de dire quoi que ce soit ou de faire quoi que ce soit. Cela me ramènerait en prison.
Les conditions de sortie des territoires palestiniens sont très difficiles mais tu as pu quitte le pays quand même ? Certes, répond-elle. Les conditions sont très difficiles.
La première fois on m’a empêché de sortir, je devais aller en Belgique puis on a essayé à plusieurs reprises de quitter la Palestine mais à chaque fois on nous a empêché de sortir. Cette fois-ci on a réussi grâce au soutien de la France.
Tu te présentes comme étant pour la lutte pacifique. La gifle, c’est un moyen pacifique?
Je considère que c’est une réaction naturelle à la présence de soldats de l’occupation chez moi, et qui tirent sur des enfants, des enfants qui sont tous mes proches. Le soldat que j’ai giflé a tiré sur un cousin qui a failli mourir à cause de sa blessure. En plus et abstraction faite de ce qu’ils ont fait ou pas, ce sont des soldats de l’occupant qui ont colonisé notre pays, Jafa, Haifa et Akka, et je considère que tout ce que fait un palestinien ce n’est qu’une réaction naturelle sur la présence de l’occupation sur son sol.
Je rêve de devenir avocate internationale. Je vais étudier le droit pour pouvoir défendre mon pays à travers le droit international. IL y a eu plusieurs accords qui n’ont jamais trouvé le chemin de l’application.
Tu fais partie d’une très jeune génération et tu n’as connu ni la première ni la deuxième Intifadha et tu as commencer à militer dès l’âge de 5 ans, n’est-ce pas?
Le palestinien dès sa naissance est un militant. Sa présence sur cette terre occupée est un combat, sa présence et sa résistance est militantisme. Nous les palestiniens, sommes tous des combattants pour la liberté. Nous défions l’occupation et la combattons. Nous le défions en restant sur nos terres car lui il veut nous faire quitter notre pays, nous le défions en continuant à apprendre car il tente par tous les moyens de nous empêcher d’aller à l’école ou aux universités. Ils détruisent les écoles, construisent des barricades pour empêcher les élèves et les étudiants de se rendre dans leurs écoles ou facultés. Ils essaient d’effacer l’image palestinienne de la mémoire mais nous nous rappelons de la Palestine et des moindres de ses détails.
Sur son appartenance politique, Ahed répond avec assurance qu’elle n’est pas politisée et qu’elle n’appartiens et n’appartiendrai à aucun parti politique. Je respecte tous les partis mais moi je suis juste palestinienne et n’appartient à personne.
Sur le rendement de l’autorité palestinienne, elle dit respecter tout ce que l’autorité a fait pour la Palestine mais je considère que cette autorité existe mais il n’y a pas eu libération donc il y a un manquement et qu’il faut fournir davantage voire plus d’efforts pour la libération de la Palestine.
Dans un message aux jeunes israéliens, Ahed Tamimi les appelle à revenir à leur humanité, qu’ils prennent connaissance de la vérité, qu’ils pensent juste et qu’ils n’acceptent pas d’être chargés ou de subir des lavages de cerveaux ou qu’ils ignorent ce qui se passe réellement. Il faut qu’ils connaissent la vérité, qu’ils distinguent le vrai du faux, qu’ils reviennent à leur humanité pour qu’ils ne soient eux aussi des victimes de l’occupation. Les palestiniens ne sont pas les seuls qui souffrent de l’occupation. L’israélien qui a été chargé de haine pour le peuple palestinien est lui même une victime de l’occupation. Un colon de 14 ans qui tient une arme à la main est aussi une victime, un enfant qui tient une arme et qui a appris à tirer sur un être humain est également une victime. Nous en tant que palestinien qui refusent l’occupation et luttons contre cette occupation, sommes de combattants pour la liberté.
S’agissant de son arrestation et de son emprisonnement Ahed déclare qu’ils ont été difficiles. » Ils sont venus me prendre de chez moi à l’aube, ils me tiraient par les cheveux et m’ont empêché de mettre mes habits et de saluer mes parents. J’ai eu juste le temps de prendre une veste qui était à portée de ma main. Mon interrogatoire a été très dur et très long. J’étais seul et ni un avocat ni un membre de ma famille m’accompagnait. L’interrogatoire a duré 16 jours avec quatre séances auxquelles j’ai assisté. Il y a eu beaucoup d’exactions, ils m’ont empêché de dormir, ils m’ont menacé avec ma famille si je ne reconnaissais pas les faits qui me sont reprochés.
Parlant des jeunes de son âge dans les prisons israéliennes et qui n’ont pas eu la chance d’être aussi médiatisé qu »lle, Ahed a affirmé qu’il s’agit d’un problème de communication et de médias. « 350 enfants sont emprisonné, pour la plupart, ils ont été pris car ils n’ont pas pu s’enfuir étant blessés par les balles de l’occupant, ces enfants méritent qu’on parle d’eux, beaucoup plus que moi, ils sont dans des conditions plus difficiles que celles que j’ai connues »
J’appelle à la lutte populaire avec toutes ses formes. Le peuple est libre de choisir les moyens de sa lutte contre l’occupation. Je suis pour toutes les formes de lutte. Il y a ceux qui se battent avec leur poesie, d’autres avec leu art, d’autres avec des gifles aux soldats et ceux qui lancent des pierres. Chacun est libre de lutte avec ses moyens propres. Je respecte toutes ces formes de lutte et avec ces moyens de lutte.