Les récentes données statistiques montrent que les mois se suivent et se ressemblent pour le déficit commercial de la Tunisie, qui n’en finit plus de s’enfoncer et battre à chaque fois un nouveau record d’une année à l’autre.a théorie économique nous enseigne que l’ampleur du déficit commercial dépend de la nature des produits échangés. Un déficit n’est pas inquiétant s’il est dû à l’importation des biens d’équipement et des matières premières qui traduisent habituellement le dynamisme d’une économie. Il devient alarmant s’il relève plutôt des biens de consommation courante. Qu’en est-il du déficit commercial en Tunisie ?
La Tunisie, petite économie sans ressources naturelles, mise depuis longtemps sur les exportations. Toutefois, la Tunisie est de moins en moins compétitive et ne cesse de perdre des parts de marché aussi bien à l’échelle mondiale qu’au niveau de son espace de prédilection, en l’occurrence l’UE. Le mouvement de baisse s’est poursuivi en 2014 et s’est accompagné d’un nouvel accroissement du déficit commercial et ceci, malgré la dépréciation continue du dinar. Le plus inquiétant est que le déficit commercial ne montre aucun signe d’amélioration et risque de s’enfoncer encore plus dans les prochaines années. En effet, la part de marché détenue par les entreprises tunisiennes se situe autour d’une moyenne de 1‰. En 2014, les exportations tunisiennes (en valeur) ne représentent que 0,9‰ des exportations mondiales. Cette érosion des parts de marché est due à de moindres performances aussi bien au niveau géographique qu’au niveau produit: une spécialisation moins porteuse.
Du côté géographique, le déficit commercial résulte essentiellement d’un solde déficitaire avec la Chine (20%), la Russie (15%), l’Azerbaïdjan (10%) et la Turquie (8%) contre un solde positif avec la Suisse, la Libye et la France. L’atténuation du déficit peut être envisagée en procédant à des négociations bilatérales avec chaque pays et étudier les opportunités d’exportation sur ces marchés.
Les mesures et les dispositions qu’il faut
Du côté produits, le déficit commercial tunisien est attribuable principalement aux biens d’équipement (32%), aux voitures (19%), aux produits énergétiques (17%) et aux céréales (13%) et aussi à d’autres produits tels que les produits pharmaceutiques (7%) et des produits de consommation intermédiaire. Faut-il rappeler que le déficit lié aux biens d’équipement ne devrait pas être interprété comme un handicap bien au contraire il traduit un potentiel de croissance et de dynamisme d’une économie. En revanche, et s’agissant des voitures, il importe de renégocier ce dossier afin de renforcer l’intégration de l’industrie tunisienne dans la chaine de valeur automobile internationale et faire bénéficier la partie tunisienne d’un transfert de technologie dans ce créneau. Par ailleurs, et s’agissant des céréales et des semences, il va de notre sécurité alimentaire que de garantir une autosuffisance dans ce domaine en mettant en œuvre une stratégie pour une meilleure utilisation des terres tunisiennes.
Cette situation risque de s’aggraver si le nouveau gouvernement ne prendra pas à bras le corps ce dossier épineux en mettant en place les mesures et les dispositions adéquates. Les exportateurs tunisiens doivent à leur tour fournir plus d’efforts pour assurer le suivi et l’anticipation de la dynamique de la demande internationale et opter pour une plus grande diversification des exportations.
En effet, il est urgent de mettre fin d’une manière générale au recul de notre compétitivité externe et remettre la Tunisie dans le sens de la marche du commerce mondial et les exportateurs tunisiens doivent chercher à exploiter des couples (secteur/pays) gagnants. Autrement dit, l’offre commerciale tunisienne doit être ciblée sur des produits dynamiques et vers les pays où la demande sera plus forte demain.
Au final, il faut chercher à briser le cercle vicieux du déclin de la compétitivité externe tunisienne. La compétitivité est un combat permanent et toujours gagnable. Il incombe aux entreprises d’être plus entreprenantes et aux gouvernants de lever les obstacles institutionnels et financiers qui pèsent sur notre compétitivité.
Mohamed Ben Naceur